C’était ce qui ressemblait fort à un très ancien temple, abandonné sans doute depuis plusieurs centaines d’années. Ses dimensions dépassaient l’entendement humain. La moindre parcelle de pierre anthracite qui composait l’édifice était craquelée, la plus petite fissure envahie par des plantes dont l’aspect ne présageait rien de bon. A la quantité de poudre grise à terre, on devinait tout de suite que la roche partait en poussière et que la végétation qui s’était installée ne faisait qu’accélérer le processus de destruction. Les sobres colonnes d’au moins une trentaine de mètres, autrefois de marbre noir veiné de blanc, semblaient, malgré leur état décharné, supporter sans mal l’énorme poids du bâtiment. Des tonnes de roc avaient du être apportées à cet endroit pour pouvoir en construire les différentes parties. Si, en elle-même, celle-ci du temple était la plus impressionnante, il était impossible de ne pas remarquer les deux autres sur les côtés, tout en longueur dans de prodigieux arcs de cercle. Façonnées à l’identique, elles étaient parsemées de petites pièces autour d’un étroit couloir aux extrémités alors que celles qui s’en éloignaient étaient de plus en plus spacieuses.
Mais le plus impressionnant n’était pas sa taille, c’était surtout ce qu’il dégageait. Une aura maléfique, qui respirait le mal autant à ses abords qu’en son sein. Un air glacial parcourait inlassablement les lieux, causant effroi et souffrance à tous les êtres vivants qui l’approchaient. Ceux qui n’avaient pas le temps de fuir n’avaient pas non plus celui de faire leurs adieux à ce monde, foudroyés sur le coup. Les rares bêtes ou hommes qui y survivaient n’étaient plus jamais les mêmes et devaient s’estimer heureux s’ils pouvaient encore s’exprimer. Seules les plantes, certains insectes et quelques féroces monstres étaient épargnés par ce sort atroce. C’était peut-être pour cette raison qu’une multitude de plantes amateurs de viande fraîche avaient élu domicile en ces lieux que le temps semblait avoir figés. On entendait parfois une douce et envoûtante mélopée émanant d’elles, leurs lobes ciliés, de la taille d’une cerise à celle d’une longue dague, prêts à passer à l’action. Il suffisait de passer un peu trop près pour finir happé par les profondeurs obscures des lieux.
Même la végétation alentours rappelait la mort. On observait en particuliers d’étranges arbres à la mine renfrognée, la majorité étaient des sumacs, desquels les gommes toxiques faisaient des merveilles en combat, ainsi que des arbres tropicaux, arrivés à ces endroits comme par hasard, tels que des vomiquiers, dont la noix produisait une substance très toxique, ou encore des arbres à curare, dont l’effet paralysant assurait bien des avantages. On remarquait également quelques fleurs comme l’aconit napel, aux fleurs bleues, duquel on tirait des tubercules un extrait considérablement toxique, ainsi que quelques plantes pyrogènes, provoquant de la fièvre, sur les quelques tombes ternes derrière le monument, attendant le passage de la prochaine tempête pour se désagréger.
L’intérieur du bâtiment principal était aussi sombre qu’une nuit dans lune. Plus on avançait et plus il nous paraissait immense. La partie supérieure était soutenue par deux arceaux, chacun épais de six pieds, qui se croisaient au centre du plafond. Ce dernier comportait d’ailleurs de magnifiques fresques encore visibles malgré la plupart des couleurs disparues. Les quatre parties ainsi réparties, on distinguait dans la première, la plus proche de la lumière, des anges, telles des valkyries, regardant vers le fond du temple, à sa droite des êtres humains aux grands yeux en amande équipés d’armes courtes et élancées, scrutant tout comme les personnages de gauches, renforcés de lames acérées et de boucliers, la même direction que les anges. C’était en effet dans la partie la plus sombre qu’on observait la plus étrange des quatre scènes : de grandes capes volantes, sombres, certaines armées tandis que d’autres se contentaient de brandir en avant une main incrustée d’un mystérieux objet. En s’enfonçant encore beaucoup plus loin dans les ténèbres, traversant de ce fait une salle démesurée, on parvenait à ce qui semblait être un genre de grande table, un bloc de pierre qui devait porter en son centre une carte : on discernait en effet quatre petites pierres plates noires. Juste à côté se situaient également une multitude de petits galets rouges pour les uns, blancs pour les autres, ainsi que plusieurs trous qui n’auraient pas du s’y trouver.
Pour le reste, dans le mur juste derrière la table, on pouvait admirer une scène toute en relief. C’était cette fois un combat un contre un : à droite se dressait fièrement un farouche guerrier en armure et à la lame acérée pointée d’un air menaçant en avant dans un paysage chaotique. On avait alors le loisir de pouvoir contempler son visage à la fois serein et courageux, le regard de celui qui affrontait la mort en sachant que son nom resterait à jamais gravé dans les mémoires. On ne pouvait cependant rien distinguer de son adversaire, juché sur une montagne de cadavres démembrés. Le capuchon de son long manteau était certes retombé, mais une puissante bourrasque semblait avoir ravagé la pierre à cet endroit précis. Le reste de son vêtement le cachait entièrement, on ne voyait aucune trace chez lui d’une quelconque arme. Ce mur était le seul à être habillé. Tous les autres étaient d’une noirceur à fendre l’âme…
[… euh… j’ai pas un peu forcé là ??]
